Une chute pour une rencontre... [PV Abigail Danaë]

Abigail soupira en regardant, comme tous les matins, la paillasse sur laquelle elle faisait ses douces nuits horribles. Pas une fois elle ne pensait pas au crime dont elle avait été témoin. Tout ce sang la hantait encore après ces nombreux mois. Le seul être qui avait pu l'aimer, il avait fallu que l'égoïste qu'était devenue Alice le massacre. "Pour son bien" n'arrêtait pas de répéter cette dernière de sa voix mielleuse mais néanmoins éraillée par l'ironie. La double personnalité espérait juste pouvoir avoir contrôle de leur seul corps assez longtemps pour en oublier totalement Abigail. Cette petite folle voulait en finir avec tous les problèmes que cette île engendrait. Il y avait nombre de fous ici et elle n'y arrivait pas. Elle n'était pas faite pour ça. Au risque de tuer deux personnes ?! Elle n'était pas plus saine d'esprit que les pires sadiques de ce bout de terre flottant.
S'étirant longuement, elle passa une main dans ses cheveux roux coupés courts pour y remettre un peu d'ordre. Le énième cauchemar qu'elle avait fait cette nuit lui avait coupé l'appétit, comme tous les matins. Elle mangerait plus tard, quand elle aura au moins trouver quelque chose à se mettre sous la dent et quand sa faim se ferait déjà plus ressentir. Ce qui n'était, à présent, pas le cas. Par des gestes qui collait plus à l'attitude d'Alice, Abigail vérifia qu'elle ne s'était rien fait voler durant la nuit. Non, elle avait toujours son couteau accroché à sa cheville. Quoiqu'elle ne doute pas que son autre elle puisse très bien se protéger sans armes. Ou bien fuir très rapidement. Cela semblait être la meilleure solution en cas de gros problèmes quand on est désarmé. Après tout, son seul but était de vivre, simplement. Alors ça ne servait à rien de foncer tête baissée dans la gueule grande ouverte du loup.
A moins qu'on s'ennuie fermement. Et Abigail sourit, naturellement. Elle était bien curieuse de voir qui avait succombé, aujourd'hui. Il y avait de nombreuses morts, surtout au tout début de ce projet complètement fou, mais il y avait toujours autant de prisonniers, à cause des arrivées quotidiennes de nouveaux pensionnaires. Faire le tour du proprio était plus simple à dire qu'à faire, c'était bien vrai. Mais une fois dans la Forêt Rousse, accordée avec ses propres cheveux, elle fit plus attention au feuillage couleur sang qu'à ce qui se trouvait sous ses pieds. Cette forêt avait son charme et sa tranquillité, il fallait bien l'avouer. Mais elle resta néanmoins attentive aux bruits alentours, ramenée à l'ordre par Alice qui lui répéta une nouvelle fois que si elle ne faisait pas plus attention, elles finiraient toutes les deux par mourir. Si seulement elles pouvaient...
"Je t'entends, je te signale, Bibi." répondit Alice de sa voix tranquille.
Une nouvelle fois, elle était la seule à mériter ce corps et se demandait encore pourquoi Abigail refusait de se faire oublier dans les méandres d'un esprit endormi. Parce que c'était ainsi.
Un bruit fit taire le combat mental qu'elles menaient, laissant Abigail avoir le dernier mot sans pour autant lui faire part de sa dernière remarque : "Arme-toi, tu ne sais ni qui c'est, ni ce que c'est.". Parce qu'en plus, cela pourrait être autre chose qu'un humain ?! Elle prit d'un geste vif l'arme blanche qui brillait à sa cheville.
Regardant dans la direction des bruits, elle vit un jeune homme allongé par terre. La jeune rousse ne put retenir un haussement de sourcil. Drôle d'entrée, loin d'être discrète. A en voir son état, il avait dû dévaler la pente au pied de laquelle il était. Et il devait être sonné, puisqu'il ne se releva que quelques instants plus tard. Il ne semblait pas l'avoir remarquée. Super.
"Idiote, achève-le !" tonna la voix d'Alice dans sa tête.
Pas violente de nature, Abigail ne comprit pas tout de suite. Mais après tout, elle ne voulait que leur bien. Alors la rouquine plaça le manche du couteau entre ses doigts et replia le bras pour l'amener au-dessus de son épaule, se préparant à un lancé direct sur le jeune homme. Qui se rendit enfin compte d'une présence autre que lui en ce lieu. De peur, elle faillit lui lancer l'arme. Mais sa voix l'arrêta dans son geste :
- Attends !
"Tue-le."
Non. Elle n'en était plus capable, pas tant qu'il la regardait de son regard vert émeraude. Elle fit taire Alice et baissa son bras armé. Néanmoins, elle garda son précieux couteau en main, lame en avant, vers le jeune homme, juste pour être sûre. Son attitude attentive pouvait bien prouver qu'elle réagirait aux moindres gestes. On lui avait trop souvent reprocher son envie de faire confiance en tout le monde pour qu'elle se fasse encore avoir si facilement. C'est donc d'un oeil légèrement méfiant qu'elle le regarda.
- Pourquoi ? Pour que tu me tues le premier ? Non merci ! rétorqua-t-elle sur un ton tendu.
Quoiqu'il n'avait pas l'air trop dangereux. Mais on n'est jamais trop prudent et ici, il ne faut pas se fier aux apparence. Comme nulle part, en fin de compte.